Dans quelles circonstances un permis de construire modificatif peut-il être utilisé ?
Le Maire d’une commune délivre par arrêté au pétitionnaire, un permis de construire modificatif du permis qui lui avait été accordé initialement en 2015, pour la construction d’un ensemble immobilier de trois logements.
La requérante demande au Tribunal administratif :
L’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté de 2018 portant permis de construire modificatif du permis initialement accordé en 2015.
Décision implicite du maire refusant de retirer cet arrêté
Le tribunal administratif ayant rejeté cette demande en 2019, la requérante se pourvoit en cassation.
Le Conseil d’État considère que :
« L’autorité compétente, saisie d’une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d’un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction, que ce permis autorise, n’est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même. »
« En estimant que ces modifications avoient pu faire l’objet d’un permis modificatif, le tribunal a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation ».
Ainsi, cet arrêt nous apporte des précisions :
> Si le pétitionnaire souhaite modifier des éléments importants de son projet, du moment que la nature de ce dernier reste identique, il n’est plus nécessaire de déposer une demande d’un nouveau permis initial.
> Ce qui relevait initialement du seul permis de construire modificatif pour régularisation s’applique désormais à tout permis modificatif.
COMPETENCE POUR EXAMINER LA LEGALITE DU PERMIS DE REGULARISATION.
Dans le cas où les opposants au projet souhaitent contester ce permis modificatif, ils doivent le faire dans le cadre de l’instance principale dirigée contre le permis initial, conformément aux dispositions de l’article L.600-5-2 du Code de l’Urbanisme :
Le Maire d’une commune, délivre, par un arrêté, un permis de construire à une société pour l’édification d’un immeuble de 39 logements, de locaux commerciaux et de la création de trente-quatre aires de stationnement.
Des requérants, voisins du projet, demandent au Tribunal administratif de Lyon d’annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté litigieux. Par un premier jugement, le Tribunal fait droit à leur demande et annule donc le permis de construire.
Le Conseil d’État a annulé ce jugement et renvoyé l’affaire devant le tribunal administratif.
Par un nouveau jugement : le tribunal administratif a annulé l’arrêté litigieux sur un point qui méconnaît le a) de l’article 10.3 UC du règlement du plan local d’urbanisme. Le dernier étage du projet excède le tiers de la surface moyenne des étages (rez-de-chaussée non inclus)
Ainsi le tribunal accorde au maire de la commune de Lyon un délai de trois mois pour solliciter un permis de construire modificatif régularisant le projet sur ce point. Or, à la date où le permis de construire modificatif a été délivré, le jugement qui invitait la commune à régulariser son autorisation en sollicitant un tel permis a été frappé d’un pourvoi en cassation par les requérants.
Le maire de Lyon délivre à la société ledit permis de construire modificatif. Les requérants saisissent le tribunal administratif de Lyon d’un recours pour excès de pouvoir contre ce permis de construire modificatif.
Le problème juridique soulevé est le suivant : Devant quel juge faut-il aller pour contester un permis de régularisation lorsque le jugement qui a ordonné cette mesure est déjà contesté devant le Conseil d’État ?
La légalité s’apprécie à la date du permis de modificatif. Qui est compétent pour examiner la légalité du permis de régularisation ?
Le Tribunal administratifinitialement saisi ?
OU
Le Conseil d’État s’il décide de régler l’affaire au fond après avoir annulé le jugement du TA ?
Les requérants ne peuvent pas faire valoir que les modifications apportées au projet ne permettraient pas de le rendre conforme aux dispositions locales du PLU en vigueur à la date du permis de construire initial.
Les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation du permis de construire modificatif, ce permis ayant régularisé le vice entachant le permis de construire initial.
Cet arrêt du Conseil d’État apporte des précisions sur les points suivants :
Durant la procédure d’examen d’un recours dirigé contre un permis de construire, le juge peut inviter le pétitionnaire à régulariser un élément de son projet en sollicitant un permis modificatif.
Dans le cas où les opposants au projet souhaitent contester ce permis modificatif, ils doivent le faire dans le cadre de l’instance principale dirigée contre le permis initial, conformément aux dispositions de l’article L.600-5-2 du Code de l’Urbanisme :
Cet arrêt apporte aussi des précisions sur la détermination du périmètre situé autour d’une gare au sein duquel les obligations de réalisation des places de stationnement sont allégées :« Doivent être regardés comme situés à moins de cinq cents mètres d’une gare ou d’une station de transport, au sens des dispositions rappelées ci-dessus, les projets se trouvant à l’intérieur d’un rayon de cinq cents mètres calculés à partir de cette gare ou de cette station ».
La société requérante s’est pourvue en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 14 juin 2022 en soutenant, notamment, que ce jugement serait entaché d’irrégularité en l’absence de clôture d’instruction ou d’information en ce sens.
Le juge administratif avait fixé la clôture de l’instruction au 14 mai 2021. Par deux courriers du 6 et du 10 mai, les parties ont été informées par le tribunal qu’il était susceptible de surseoir à statuer pour permettre la régularisation de deux vices dont le permis était entaché et les a invitées à présenter leurs observations dans un délai de six jours pour le premier courrier, de quatre jours pour le second. La commune a répondu par un mémoire du 12 mai, mis à disposition des autres parties sur Télérecours le 17.
La haute juridiction précise que « si le juge administratif doit, lorsqu’il invite les parties à produire des observations sur la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, leur laisser un délai suffisant à cette fin, le délai dans lequel il communique aux autres parties les observations qui lui sont présentées en réponse à cette invitation est, en revanche, eu égard à l’objet de cette invitation, sans incidence sur la régularité de la procédure. Par suite, les requérantes ne peuvent utilement soutenir que les observations présentées par la commune de Thonon-les-Bains en réponse à l’invitation faite par le tribunal leur auraient été communiquées tardivement ».
Ainsi, un délai suffisant doit être laissé aux parties, en revanche , le délai dans lequel la juridiction communique aux autres parties les observations qui lui sont présentées en réponse à cette invitation est sans incidence sur la régularité de la procédure.
Le Conseil d’Etat estime que lorsque le juge administratif, alors qu’il envisage de faire usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, invite les parties à produire des observations, ni cette invitation, ni la communication par le juge des observations reçues en réponse à cette invitation n’ont, par elles-mêmes, pour effet de rouvrir l’instruction si elle était close.
Dans cette affaire, la société Immotour, spécialisée dans l’activité de marchand de biens, avait fait l’achat d’un ancien établissement hôtelier pour un montant de 1 000 000 €.
Elle a souhaité revendre l’immeuble au prix de 1 095 000 euros et le maire de la commune a décidé le 28 août 2012, de mettre en œuvre le DPU au prix de 800 000 €. Toutefois, les installations étant en très mauvais état, la commune y a renoncé par une décision du 17 juillet 2013.
Le 7 août 2014, la société a cédé le bien, mais seulement au prix de 400 000 €.
La société Immotour a recherché la responsabilité de la commune de Saverne au titre de l’illégalité dont la décision de préemption aurait été entachée et de la faute résultant de la renonciation à préempter.
Par un jugement du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Saverne à verser à la société Immotour la somme de 436 669,86 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation du préjudice résultant de l’illégalité de la décision de préemption.
Sur l’appel de la commune de Saverne et de la société Immotour, la CAA de Nancy, par un arrêt du 24 octobre 2019, a annulé ce jugement rejetant ainsi les demandes de la société.
Dans son pourvoi auprès du Conseil d’État, la société s’est fondé sur le régime de la responsabilité sans faute, d’ordre public c’est-à-dire qu’il peut être invoqué pour la première fois en cassation.
La décision reconnait que la société requérante a subi un préjudice « grave » et « spécial ». La condition de gravité se trouve satisfaite, dès lors que le préjudice excède « les aléas ou sujétions que doivent normalement supporter des vendeurs de terrains situés en zone urbaine ».
Cependant, le Conseil accorde à la société une indemnité de 150 000 €, lui reprochant son abstention à prendre des mesures destinées à assurer le gardiennage de son bien avant le mois de septembre 2013 afin d’éviter l’occupation irrégulière et que le bien fasse l’objet de dégradation et considère qu’il s’agit d’une « imprudence dans l’appréciation des risques de nature à exonérer la commune d’une partie des conséquences dommageables de la renonciation à la préemption ».
Dès lors, la responsabilité sans faute d’une commune peut être engagée du fait de décisions légales de préemption, puis de renonciation à l’exercice de ce droit lorsque le requérant peut se prévaloir d’un préjudice « grave » et « spécial ».
Le droit de préemption appartient à la commune, au groupement des communes ou au syndicat mixte en exerçant la compétence « eau ».
Ce droit de préemption vise :
Les alinéations à titre onéreux d’immeubles à usage ou à vocation agricole, de bâtiments d’habitation faisant partie d’une exploitation agricole
Les aliénations à titre onéreux d’usufruit et de nue-propriété visant ces biens, sous certaines conditions
Pour instruire un droit de préemption, il est nécessaire de présenter un dossier au préfet (C. urb. Art R 218-2 nouveau) comprenant :
Une étude hydrogéologique ;
Un argumentaire ;
Une note présentant le territoire et ses pratiques agricoles ;
Pour exercer un droit de préemption des surfaces agricoles pour préserver la ressource en eau, il est nécessaire de produire une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) envoyée au titulaire du droit de préemption ou à son délégataire.
Au même titre que les droits de préemption urbanistiques, un délai de 2 mois qui lui est imparti pour se prononcer est suspendu si des documents complémentaires (servitudes en cours, procès-verbaux de bornage, obligations réelles environnementales, baux en cours, clauses environnementales (C. rural Art L 218-13)) sont réclamés au propriétaire.
Attention, le décret 2022-1223 du 10-9-2022 envisage le recours à ce droit de préemption pour des biens destinés à une exploitation agricole compatible avec l’objectif de préservation de la ressource en eau.
Un permis de construire modificatif peut être sollicité par le titulaire dans le cas où les deux conditions cumulatives suivantes sont réunies :
Le permis de construire initial est en cours de validité
Les travaux de construction sont en cours de réalisation mais ne sont pas terminés
Les modifications envisagées n’apportent pas au projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même
Dans quel cas avoir recours au permis de construire modificatif ?
Si le permis initial n’a pas fait l’objet d’un recours dans le délai légal
Envisageable pour les modifications ne remettant pas en cause la conception générale du projet
Dans un arrêt de section 26-7-1982 n° 23604 Lebon p°316, le Conseil d’Etat limite le champ d’application du permis modificatif aux modifications ne remettant pas en cause la conception générale du projet.
En l’espèce, le permis de construire modificatif avait été sollicité pour des modifications consistant en une jonction de deux bâtiments initiaux en une seule construction par un escalier couvert commun, la surélévation d’une partie de la construction en rez de chaussée par l’adjonction d’une terrasse d’une surface de plancher de 4m2, ainsi que le remplacement d’un mur et de deux pare-vues en bois par deux murs en briques.
Le Conseil d’Etat estime au cas d’espèce que ces modifications peuvent faire l’objet d’un permis modificatif en tant qu’elles ne remettent pas en cause la conception générale du projet.
Principe jurisprudentiel :
Le recours au permis modificatif se veut donc être encadré et limité par le Conseil d’Etat :
Il ne doit pas être porté atteinte à la conception générale du projet.
Exception jurisprudentielle :
Un vice qui entache un permis est susceptible de régularisation même si la modification nécessaire du projet implique de revoir son économie générale, à condition toutefois qu’elle n’entraîne pas « un bouleversement tel qu’elle en changerait la nature même » CE section, avis 2-2020, n°438318 : BPIM 6/20 inf 374.
Ainsi, un permis de construire modificatifne doit pas changer la nature même du projet mais il peut désormais en modifier la conception générale.
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