Dans la fonction publique, le recours aux contrats à durée déterminée (CDD) est une pratique courante pour répondre à des besoins temporaires ou spécifiques. Ces contrats permettent aux administrations de gérer des situations telles que le remplacement d’agents absents, l’accroissement temporaire d’activité ou l’exécution de missions ponctuelles nécessitant des compétences particulières.
Toutefois, l’utilisation répétée ou prolongée de CDD soulève des enjeux liés à la précarité de l’emploi et à la continuité du service public.
La transformation d’un CDD en contrat à durée indéterminée (CDI), souvent appelée « CDIsation », vise à sécuriser le parcours professionnel des agents contractuels tout en garantissant aux administrations une stabilité dans leurs effectifs. Cependant, cette requalification est encadrée par des dispositions légales précises, variant selon les trois versants de la fonction publique : État, territoriale et hospitalière.
Comprendre les conditions et les implications de la requalification des CDD en CDI est essentiel pour les agents concernés et les employeurs publics, afin d’assurer une gestion optimale des ressources humaines et de prévenir les situations de précarité professionnelle. Maître PY vous accompagne dans la gestion et la résolution de vos litiges liés à la fonction publique, qu’il s’agisse de contentieux individuels ou disciplinaires.
1- Le recours au CDD dans la fonction publique
La différence entre emploi permanent et emploi non permanent dans la fonction publique
Les emplois permanents
Les emplois permanents sont les postes liés à l’activité normale et habituelle d’une administration. Ils sont inscrits au tableau des effectifs de la collectivité ou de l’établissement public et sont généralement destinés à être occupés par des fonctionnaires titulaires.
Toutefois, dans certaines situations, ces postes peuvent être pourvus par des agents contractuels, notamment lorsque :
- Aucun fonctionnaire n’a pu être recruté après publication de l’offre d’emploi.
- Les besoins du service ou la nature des fonctions le justifient.
- Il n’existe pas de cadre d’emplois de fonctionnaires pour assurer les fonctions recherchées.
Dans ces cas, le recrutement d’un agent contractuel sur un emploi permanent est encadré par des dispositions spécifiques, pour garantir la transparence et l’égalité d’accès aux emplois publics.
Les emplois non permanents
Les emplois non permanents sont créés pour répondre à des besoins temporaires ou saisonniers de l’administration. Ils ne correspondent pas à l’activité normale et habituelle de la collectivité et sont généralement pourvus par des agents contractuels.
Voici les principales situations justifiant la création d’emplois non permanents :
- Un accroissement temporaire d’activité : pour faire face à une augmentation ponctuelle de la charge de travail, un agent contractuel peut être recruté pour une durée maximale d’un an, renouvelable une fois dans la limite de deux ans.
- Un accroissement saisonnier d’activité : lorsque l’activité de la collectivité connaît des variations saisonnières, un agent contractuel peut être engagé pour une durée maximale de six mois sur une période de douze mois consécutifs.
- Un contrat de projet : introduit par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, ce type de contrat permet de recruter un agent contractuel pour mener à bien un projet ou une opération identifiée, pour une durée minimale d’un an et maximale de six ans.
Ces emplois non permanents sont strictement encadrés par le Code général de la fonction publique. L’objectif est de prévenir le recours abusif à des contrats temporaires pour des besoins qui relèveraient en réalité d’emplois permanents.
Comment se définit le CDD dans la fonction publique ?
Dans la fonction publique, le CDD est un outil de gestion des ressources humaines permettant de répondre à des besoins temporaires ou spécifiques.
Contrairement au CDI, qui offre une stabilité d’emploi, le CDD est conclu pour une période limitée, avec des conditions strictement encadrées par le Code général de la fonction publique.
Le CDD dans la fonction publique est un contrat par lequel une administration engage un agent pour une durée limitée, afin de pourvoir un emploi temporaire ou vacant.
Ce type de contrat est régi par des dispositions légales précises visant à assurer la transparence et l’équité dans le recrutement. Les modalités de recours aux CDD sont définies aux articles L332-1 à L332-28 du Code général de la fonction publique
Quels sont les motifs de recours au CDD dans la fonction publique ?
Les administrations peuvent recourir aux CDD pour plusieurs raisons, notamment :
- Le remplacement temporaire d’un agent absent : lorsqu’un fonctionnaire est en congé ou indisponible, un agent contractuel peut être recruté pour assurer la continuité du service public.
- Le cas d’un emploi temporairement vacant : en attendant le recrutement d’un fonctionnaire titulaire, un CDD peut être conclu pour occuper provisoirement le poste vacant.
- Un accroissement temporaire d’activité : face à une augmentation ponctuelle de la charge de travail, l’administration peut embaucher des agents contractuels pour une durée maximale d’un an, renouvellement inclus, sur une période maximale de 18 mois consécutifs.
- Un accroissement saisonnier d’activité : pour des besoins récurrents liés à des périodes spécifiques de l’année, un CDD de six mois maximum, renouvellement inclus, peut être conclu sur une période de 12 mois consécutifs.
- En l’absence de corps ou de cadre d’emplois de fonctionnaires : lorsque les fonctions à pourvoir ne correspondent à aucun corps de fonctionnaires existant, l’administration peut recruter un agent contractuel sur le poste.
Existe-t-il un droit au renouvellement de son CDD dans la fonction publique ?
Non, pas directement. En droit de la fonction publique, les agents contractuels recrutés en CDD ne disposent pas d’un droit automatique au renouvellement de leur contrat à son échéance. Une jurisprudence constante du Conseil d’Etat affirme que l’administration, en vertu de sa liberté contractuelle, n’est pas tenue de reconduire un CDD arrivé à son terme (CE, 7 juillet 1972, n° 81594).
Cependant, bien que le renouvellement ne soit pas un droit, la décision de non-renouvellement doit être fondée sur des motifs liés à l’intérêt du service (CE, 4 juillet 1994, n° 118298). Cela inclut des considérations telles que la réorganisation interne, l’évolution des besoins ou des contraintes budgétaires.
Si un agent estime que le non-renouvellement de son contrat repose sur des motifs étrangers à l’intérêt du service, il peut contester cette décision devant le juge administratif.
2- Sous quelles conditions un CDD peut-il être transformé en CDI ?
La transformation d’un CDD en CDI est encadrée par des dispositions spécifiques, dont l’objet est de sécuriser le parcours professionnel des agents contractuels tout en répondant aux besoins des administrations. Les conditions de cette transformation peuvent varier selon les trois versants de la fonction publique : État, territoriale et hospitalière.
Durée maximale des CDD et conditions de renouvellement
Généralement, un CDD dans la fonction publique est conclu pour une durée maximale de trois ans, renouvelable une fois, portant la durée totale à six ans. Au-delà de cette période, si l’administration souhaite poursuivre la collaboration avec l’agent, elle doit proposer un CDI. Cette règle s’applique aux fonctions publiques d’État, territoriale et hospitalière.
Seuils et critères pour la requalification en CDI
Pour qu’un CDD soit transformé en CDI, l’agent contractuel doit remplir certaines conditions, notamment :
- L’ancienneté : il faut justifier d’une durée de service de six ans au moins sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique, exercées auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public.
- La continuité des services : les services accomplis peuvent être continus ou discontinus, à condition que les interruptions entre deux contrats n’excèdent pas quatre mois.
- Une décision expresse de l’employeur : la transformation d’un CDD en CDI n’est pas automatique. Une décision expresse de l’employeur est nécessaire pour formaliser cette requalification. Cette exigence concerne uniquement la fonction publique territoriale. La requalification dans les fonctions publiques d’Etat et hospitalière intervient automatiquement à l’issue des 6 ans.
La requalification du CDD en CDI peut-elle être tacite ?
Cela dépend du versant de la fonction publique.
Fonction publique d’État et fonction publique hospitalière
Pour ces deux versants, le Code général de la fonction publique prévoit une transformation automatique du CDD en CDI lorsque l’agent atteint six ans d’ancienneté avant l’échéance de son contrat en cours. Concrètement, cela signifie que le contrat est réputé être conclu à durée indéterminée sans nécessiter de décision expresse de l’employeur.
Les articles L. 332-4 (fonction publique d’Etat) et L. 332-17 (fonction publique hospitalière) disposent en effet que « lorsque les services accomplis atteignent la durée de six ans avant l’échéance du contrat en cours, celui-ci est réputé être conclu à durée indéterminée ».
Fonction publique territoriale
En revanche, dans la fonction publique territoriale, la situation est différente.
L’article L. 332-11 du Code général de la fonction publique prévoit que les parties « peuvent, d’un commun accord, conclure un nouveau contrat à durée indéterminée ». Cette disposition n’implique pas une transformation automatique du CDD en CDI après six ans d’ancienneté.
Le Conseil d’État a confirmé cette interprétation dans une décision du 26 février 2024 (CE, 26 février 2024, n° 472075), précisant que, même si un agent territorial atteint six ans d’ancienneté avant la fin de son contrat, celui-ci ne se transforme pas tacitement en CDI. Une décision expresse de l’employeur est donc nécessaire pour procéder à cette transformation.
Il convient d’ailleurs de noter que cette solution est conforme à la jurisprudence qui présidait à l’ancienne version du Code général de la fonction publique (CE, 30 septembre 2015, n° 374015).
3- Que faire en cas de non-respect des règles de requalification du CDD en CDI ?
Il peut arriver que les règles protectrices du Code général de la fonction publique ne soient pas respectées, plaçant l’agent contractuel dans une situation précaire. Dans de tels cas, des recours sont envisageables pour faire valoir ses droits.
Recours possibles pour les agents contractuels
Lorsqu’un agent contractuel estime que son employeur a abusé du recours aux CDD ou n’a pas respecté les conditions de requalification en CDI, plusieurs actions peuvent être envisagées :
- Demande de requalification du contrat : l’agent peut solliciter la transformation de son CDD en CDI si les conditions légales sont remplies. Par exemple, dans la fonction publique territoriale, après six ans de services continus en CDD sur un même poste, l’agent peut prétendre à un CDI. Toutefois, cette transformation nécessite une décision expresse de l’employeur ; il n’y a pas de « CDIsation » tacite.
- Action indemnitaire pour recours abusif aux CDD : si la requalification en CDI n’est pas possible, notamment lorsque l’employeur n’était pas en droit de recruter un agent contractuel sur un emploi déterminé, l’agent peut demander une indemnisation pour le préjudice subi en raison de l’utilisation abusive de CDD.
Procédures à suivre auprès des juridictions compétentes
Les agents doivent saisir le tribunal administratif compétent pour contester la décision de non-requalification ou pour demander une indemnisation liée à l’utilisation abusive de CDD. Il est important de respecter les délais de recours contentieux, généralement de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.
Rôle de l’avocat spécialisé en droit de la fonction publique
Faire appel à un avocat spécialisé est vivement recommandé pour :
- Évaluer la situation : l’avocat analysera les contrats successifs, les conditions de travail et les éventuelles irrégularités pour déterminer la pertinence d’une action en requalification ou en indemnisation.
- Accompagner dans les démarches : il assistera l’agent dans la rédaction des requêtes, le respect des procédures et des délais, et représentera l’agent devant les juridictions compétentes.
- Optimiser les chances de succès : grâce à sa connaissance approfondie du droit de la fonction publique et de la jurisprudence, l’avocat pourra élaborer une stratégie adaptée pour défendre au mieux les intérêts de l’agent.
Vous êtes un agent confronté à ces problématiques ? Un service ressources humaines d’un établissement public ou d’une collectivité ?
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