Ordonnance du Tribunal administratif de GRENOBLE statuant sur le Burkini

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Tribunal administratif de Grenoble, ordonnance du 25 mai 2022 

Le lundi 16 mai 2022, le conseil municipal de Grenoble a adopté, avec 29 conseillers pour, 27 contre et 2 abstentions, la délibération sur règlement intérieur des piscines municipales autorisant par son article 10 le port du burkini.

Le Ministre de l’Intérieur a demandé au Préfet de l’Isère de saisir le tribunal administratif en vue d’en obtenir la suspension, par la voie du déféré-laïcité, créé par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Une première.

Cette procédure d’urgence permet au représentant de l’Etat de soumettre, à l’appréciation du juge, les décisions administratives locales qui seraient de « nature à porter gravement atteinte au principe de laïcité et de neutralité des service publics ». Si l’atteinte est caractérisée, le juge suspend ainsi l’exécution de la décision litigieuse dans un délais de 48 heures.

C’est ce qui a été retenu par le Tribunal administratif dans cette affaire. En effet, les juges des référés ont considéré qu’en autorisant les tenues religieuses de baignade comme le burkini dans ses piscines municipales, la ville de Grenoble avait gravement porté atteinte au principe de neutralité du service public, dont la laïcité est une composante.

En l’espèce, selon le raisonnement du Préfet : 

  • D’une part, cette autorisation « porte une atteinte grave aux principes de laïcité et de neutralité des services publics » dans la mesure où elle « vise à reconnaître des droits particuliers à des membres d’une communauté religieuse », d’autant plus que cela soit contraire « à la règle selon laquelle les tenues de bains doivent être « près du corps » pour éviter le risque de s’accrocher ou d’être happé par des appareils de filtration ». 
  • D’autre part, quand bien même le principe de laïcité « n’impose pas d’obligations de neutralité aux usagers du service public, la libre expression de leurs convictions religieuses trouve sa limite dans le bon fonctionnement du service public et de l’ordre public ».

Selon la Commune de GRENOBLE :

  • « Le règlement intérieur n’a pas pour objet d’autoriser une pratique religieuse mais seulement de permettre à toute personne d’accéder aux piscines, dans le respect des règles d’hygiène et de sécurité propres à ces équipements ». 
  •  » le principe de neutralité religieuse ne s’applique pas aux usagers du service public et aucun « texte législatif ou principe général du droit ne s’oppose à ce qu’un règlement intérieur de piscine n’interdise pas le port d’un burkini ».

Les juges tirent de l’article 1er de la Constitution française, une règle interdisant à quiconque « de se prévaloir de ses croyances pour s’affranchir des règles communes organisant et assurant le bon fonctionnement des services publics ».

La référence du juge aux « règles communes » semble faire référence ici, au principe du « vivre-ensemble » et « aux exigences minimales de la vie en société » évoquées par différentes lois et décisions de justice (La loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public; loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République).

Par ailleurs, les juges soulignent que « l’autorité administrative doit respecter le principe de neutralité et édicter des règles concourant au maintien de l’ordre public ». Or en l’espèce, « en dérogeant à la règle générale d’obligation de porter des tenues ajustées près du corps pour permettre à certains usagers de s’affranchir de cette règle dans un but religieux (…) les auteurs de la délibération litigieuse ont gravement porté atteinte au principe de neutralité du service public ».

Cette décision est audacieuse, et pourrait permettre, si elle était confirmée par le Conseil d’Etat, aux collectivités, de ne pas se limiter au seul principe de laïcité mais aux règles communes applicables à l’ensemble des citoyens.


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